Chrétiens, à bas l'idole du Siliconisme !

Le Grand Mirage (produit du système économique),

c'est le virtualisme appliqué à tout :  

 

 

Le « siliconisme » est un culte, écrit Aurélien Bellanger* après l'essayiste Evgueni Morozov**. Celui-ci a dénoncé l'idéologie désormais dominante : le « solutionnisme », industrialisation de la pensée magique, qui prétend imposer partout – à la place du débat démocratique – le couple problème / solution sous forme d'algorithme univoque. Bellenger appelle ça « optimisations en temps réel du calcul distribué, géolocalisé et individualisé par les possesseurs de smartphone ». « Quelle que soit la situation ou le désagrément, il y aura une application pour ça... » C'est l'aspect commercial-opérationnel d'une nouvelle vision du monde.

« La Silicon Valley opère de plus en plus seule dans le domaine de l'ingénierie sociale », constate Bellenger. Elle substitue ses algorithmes aux démocraties en faillite. Elle ne prétend certes pas changer le monde (ce serait une révolution contre l'ultralibéralisme) : elle prétend  nous changer de monde(s), mirage qui ouvre une infinité de nouveaux marchés. Au delà même du transhumanisme, « le siliconisme en appelle à l'existence d'une entité nouvelle et toute-puissante » : entité que nous serions censés créer à volonté (là est le mirage), alors que nous serions « manipulés à cette fin » par le système économique.

Cette entité est « la singularité technologique », explique Bellenger. Autrement dit, « l'avènement des machines pensantes » : « notre remplacement inéluctable et l'avènement d'un dieu siliconique susceptible, s'il est bienveillant, de nous incorporer, tandis qu'il simulera autant de mondes qu'il est possible de penser ».

L'avènement des machines pensantes est le dernier avatar du mythe du Progrès : avatar né de l'ultralibéralisme, et « seule façon peut-être de donner [à ce mythe du Progrès] un contenu valide  après l'échec du communisme ».

Le capitalisme a produit cet avatar pour se sauver de son entropie : il s'agit, « en extrayant de l'information sur ce monde tiédissant et chaotique », d'en « rétablir éternellement la splendeur passée ». Ainsi l'histoire de l'informatique se résume « à l'introduction, dans le monde réel, de ce démon hypothétique » : « un culte performatif travaillant à l'avènement rapide d'une solution eschatologique praticable ».

L'aboutissement serait de nous pousser à vivre « dans une simulation du monde » ; et de réduire l'humanité à n'avoir été que le capital-risque du Siliconisme.

 

► Voilà le véritable défi lancé à l'anthropologie chrétienne ! Ne nous enfermons pas dans des combats sectoriels : ils doivent être menés, mais ne peuvent l'être lucidement que si nous sommes conscients du fait que les effets ont des causes. Les ravages sociétaux sont des produits dérivés. Ainsi la dégénérescence actuelle de nos démocraties : elles cachent leur impuissance derrière l'enfumage de « progrès sociétaux »... qui  eux-mêmes ne sont que la petite monnaie du Grand Mirage, le virtualisme appliqué à tout ! Voilà pourquoi les postdémocraties occidentales ont l'air de faire la guerre à toutes les réalités. Et voilà ce qui donne forme à notre combat de chrétiens : la réalité est l'autre nom de la vérité.

 

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* Libération, 19/03.

** Ses textes importants :

http://plunkett.hautetfort.com/archive/2014/10/17/on-devrait-traiter-la-silicon-valley-avec-la-meme-suspicion-5470342.html#more